Alors que les villes d’Oslo, Copenhague et Helsinki ouvrent la voie aux premiers chantiers de construction zéro émission au monde, une transition énergétique de grande échelle se prépare dans le secteur du BTP. Décryptage des efforts menés dans le monde et en France pour secteur qui représente 3,5% des émissions françaises dont 25% dues aux carburants utilisés sur les chantiers
Oslo : pionnière des chantiers zéro émission
En 2019, la ville d’Oslo lançait son projet pilote de chantier zéro émission sur la rue Olav V. Grâce à des engins entièrement électriques – comme les excavateurs Hitachi ZE85 et ZE160LC, ou encore le chargeur Kramer 5055e –, le chantier a drastiquement réduit bruit et pollution. L’initiative a tellement impressionné que la municipalité prévoit d’exiger l’utilisation exclusive d’équipements zéro émission pour tous ses projets publics dès 2025. Elle vise une interdiction totale des équipements à carburant fossile d’ici 2030.
Avec un budget annuel de 1 milliard d’euros en travaux publics, Oslo utilise son pouvoir d’achat pour favoriser la transition vers l’électrique. s, soutenant des fabricants comme Caterpillar et Hitachi dans la transition vers l’électrique. Aujourd’hui, environ 15 % des excavateurs vendus dans la ville sont déjà électriques.
Copenhague, Helsinki et Stockholm : une alliance nordique pour le changement
Copenhague, Helsinki et Stockolm ont décidé de se regrouper sur le sujet des ZECS (Zero emissions construction sites) au sein de l’initiative des grands acheteurs (”Big buyers working together”, un projet de collaboration au niveau européen pour réussir à changer des marchés par leur puissance d’achat).
Helsinki a décidé d’obliger tous les chantiers de la ville a être entièrement sans carburant fossile dès 2025 avec si possible 20% d’engins zéro-émissions. Dès 2030, ce quota passera à 50%.Pour ses projets, Helsinki mélange donc engins électriques et carburants alternatifs comme le HVO, tout en encourageant les petites entreprises à participer aux appels d’offres et à électrifier leurs parcs pour ne pas restreindre la transition des parcs aux grands groupes.
Copenhague et Stockholm ont regardé avec intérêt l’évolution de leur voisines. Copenhague a suivi Oslo en 2020 avec son premier chantier zéro émission de grande ampleur, utilisant des équipements électriques notamment l’EC230 de Volvo, une pelleteuse de 23 tonnes. Rien que sur ce chantier, l’usage de cette pelleteuse électrique pendant 2 700 heures a permis d’éviter l’émission de près de 60 tonnes de CO2. L’expérience étant concluante, la maire prépare des contraintes sur ces appels d’offres. Stockholm a des contraintes sur la motorisation des engins de chantiers dans ces appels d’offre depuis 1999 et veut un secteur du BTP sans aucune émissions d’ici 2040.
Le reste de l’Europe se met en marche
Deux endroits font figue d’exception avec une transition plus rapide que le reste de l’Europe continentale : Londres et les Pays-Bas.
Londres était déjà pionnière avec l’ULEZ, sa zone payante pour les véhicules polluants dans l’agglomération. Elle continue de donner le ton avec la mise en place d’une zone de pour les engins non-routiers (NRMM - “non road mobile machinery”). Le fonctionnement est simple : tous les engins de chantiers doivent être enregistrés dans une base de données qui permet de fluidifier les contrôles. Les engins de chantiers doivent avoir une motorisation stage IV minimum pour opérer dans la zone à partir de 2025. Le standard minimum passera à une motorisation stage V en 2030 et une motorisation sans émissions en 2040.
Plusieurs villes des Pays-bas encourage fortement l’usage d’engins électriques. Ils atteignent 8% des ventes dans ce pays, en faisant le pays qui s’équipe le plus vite du continent.
Dans le reste de l’Europe, les projets de régulations avancent, souvent plus portés au niveau local par les métropoles qu’au niveau national.
Défis et lenteurs
Malgré ces avancées, la transition reste freinée par des coûts élevés : un mini-excavateur électrique coûte en moyenne 63 600 €, contre seulement 25 200 € pour un modèle diesel. En parallèle, l’infrastructure de recharge manque encore cruellement.
Volvo CE, leader dans la production d’engins électriques, souligne l’effet “poule et œuf” : sans demande accrue, les prix ne baisseront pas. Pour accélérer, l’industrie réclame une législation plus forte et des incitations financières au niveau européen comme sur l’automobile. Lorsque les engins seront conçus pour une motorisation électrique et non plus sur une architecture thermique modifiée pour l’électrique, les couts baisseront drastiquement. En parallèle, les engins bénéficieront des progrès colossaux des batteries avec des couts qui ne cessent de baisser avec 85% de baisse sur les batteries lithium-ion depuis 2010 et une technologie qui s’améliore. La technologie LFP qui prend l’ascendant dans l’automobile garantit désormais 5 000 cycles de charge avant une détérioration significative.
Pourquoi cela compte ?
Les chantiers zéro émission sont plus qu’une tendance écologique : ils représentent une solution concrète pour transformer un secteur polluant en acteur de la transition énergétique. Alors que des villes comme Shenzhen en Chine montrent qu’un modèle électrifié à grande échelle est possible, l’Europe a l’opportunité de s’imposer comme leader.
Les villes européennes collaborent, expérimentent et adoptent des approches novatrices. Mais pour atteindre les objectifs climatiques de 2050, une accélération générale de l’industrie est indispensable.
Conclusion : le futur du chantier est électrique
Oslo, Copenhague, Helsinki et leurs partenaires montrent que la construction durable n’est pas qu’un rêve : c’est une réalité qui s’impose. Toutefois, cette transition nécessite une coopération entre villes, fabricants, gouvernements et entreprises pour dépasser les obstacles technologiques et financiers.